À l’été 2012, la légionellose a fauché treize vies au Québec, mais elle a aussi laissé derrière elle des gens qui, presque trois ans plus tard, subissent encore des séquelles de cette redoutable bactérie. Lucien Gagnon, 74 ans, est l’un de ceux-là. Ce résident du quartier Saint-Roch allait régulièrement prendre un café à la bibliothèque Gabrielle-Roy, contiguë au complexe Jacques-Cartier, là même où les légionelles à l’origine de l’éclosion ont été découvertes.
« Si ma sœur n’était pas passée chez moi le 25 juillet 2012, je ne serais plus sur terre aujourd’hui. Cela faisait plus de deux jours que j’étais très malade. Je ne pouvais même pas me lever de mon lit », raconte M. Gagnon.
Il a été conduit à l’Hôtel-Dieu du Québec, dans un état critique. « Je n’avais plus d’anticorps. Les deux, trois premiers jours, j’ai été dans le coma. Je suis resté à l’hôpital une dizaine de jours. Le Dr Michel Vallières m’a sauvé la vie », exprime M. Gagnon. Depuis, il dit être resté plus fragile. « Je ne suis plus le même. J’ai des engourdissements et des étourdissements. Je dors beaucoup et je me sens faible. Comme je vis seul, cela me rend plus craintif », affirme-t-il.
Jean Légaré a vu la mort de près à l’été 2012, à cause de la légionellose. Qualifié de « miraculé », il est revenu de loin, après six mois et demi passés à l’hôpital. « Je me considère chanceux d’être vivant, mais j’ai perdu beaucoup de mes capacités. Je ne serai plus jamais comme avant. Je m’organise avec le peu qu’il me reste. J’essaie de trouver le positif », confie avec émotion M. Légaré, qui vient d’avoir 61 ans.
Ce résident de Wendake s’est rendu à quelques reprises dans le quartier Saint-Sauveur à l’été 2012, avec sa conjointe, afin d’aider une connaissance. « Il faisait terriblement de fièvre et son état s’est vite détérioré. Il est tombé dans le coma ; ses reins ne fonctionnaient plus. Je ne pensais pas qu’il s’en sortirait », relate sa conjointe, Diane Racine, qui a été chaque jour à ses côtés.
M. Légaré a perdu l’ouïe du côté gauche. Il conserve des séquelles des plaies de lit subies durant son long séjour à l’hôpital. « Jean n’a plus d’équilibre ni de force dans les membres. On allait danser et jouer aux quilles. Tout cela est terminé », regrette Mme Racine.
Éclosion sans précédent, du 26 juillet au 8 octobre 2012 au centre-ville du Québec. 181 personnes ont été contaminées ; 133 ont dû être hospitalisées et 13 en sont mortes. La plupart résidaient dans les quartiers Saint-Sauveur et Saint-Roch. La bactérie legionella se transmet principalement par l’inhalation de fines gouttelettes d’eau contaminée provenant entre autres de tours de refroidissement.
Le 26 juillet, face à cinq cas, la santé publique entreprend une enquête épidémiologique. Faute de registre et d’expertise, l’inventaire et l’inspection des tours de refroidissement s’avèrent difficiles. À la mi-août, on recense un nombre important de nouveaux cas. Le 19 septembre, la bactérie à l’origine de l’éclosion est identifiée dans les tours de refroidissement du complexe Jacques-Cartier, situé au cœur du quartier Saint-Roch.
Un résident de Québec, victime de séquelles importantes de la légionellose qui l’avait terrassé à l’été 2012, est décédé le 21 mai dernier.
Guy Tremblay était âgé de 71 ans. Il laisse dans le deuil sa conjointe, ses trois filles et ses petits-enfants. « Guy faisait des livraisons au centre-ville du Québec au moment de l’éclosion de légionellose. Alors qu’il était hospitalisé aux soins intensifs pour une grave pneumonie, il a été dans le coma et il a fait un arrêt cardiaque. Son cœur est resté faible. Il n’a jamais pu retourner au travail. Depuis janvier, il avait le souffle court, on le voyait décliner de jour en jour », se désole sa belle-sœur, Jocelyne Chenel.
Solange Allen, dont le conjoint figurait parmi les treize victimes de la légionellose en 2012, souhaite de tout cœur que jamais plus un tel drame ne se répète. « Il ne faut pas que d’autres gens vivent ce qu’on a vécu. La vie continue, mais ce n’est pas toujours facile. Je garde de la peine au-dedans de moi », exprime Mme Allen, qui a partagé son quotidien avec son mari, Claude Desjardins, pendant 41 ans.
Le cabinet de Me Jean-Pierre Ménard doit décider, d’ici à l’été, s’il ira de l’avant avec une demande de recours collectif au nom des dizaines de personnes touchées par cette éclosion de légionellose. « Cela me rassure qu’il y ait maintenant une réglementation. Il y a trois ans, les autorités ne savaient même pas où étaient les tours de refroidissement », estime Mme Allen.